Photography

Photography

 

 Paris Photo – Grand Palais galerie VU’ 2014 –

Musée Niépce –  Acquisition du musée 2014 –

 

«From clay» evokes the Khmers Rouge tragedy during the Pol Pot time. Portraits, handmade clay figurines for the film « The Missing Picture » directed by cambodian documentary film Rithy Pahn. An irrepresible wish to confront. Their faces are smaller than the thumb’s nail of my hand. I took pictures of all of them (about a hundred) and the voice of Rithy Pahn come to my mind saying : « One million death is one person plus one person plus one person… » These figures are not moving and yet they remind us and call us. From my very earliest investigations, the relationship to the other has been at the center of my photographic practice. “Facing” signifies taking time, trying to get past the surface of things with my own words while challenging stereotypes.
Whether it was my first work on childhood, or with nuns in Cambodia, I have always approached the Other by trying to question the constant pain of this world. Similarly, in the book “Seul l’air”, I questioned what we call Africa, trying to show each place I journeyed through in a unique way. The photographic act is always built by a gradual permeation of the subject and its environment with a sort of restraint. My photographs don’t provide any answers; they suggest a dialogue. A dialogue that doesn’t necessarily come naturally. One person speaks, another person answers, it’s like an initial boost that sometimes requires argumentation. My photographs call for attention to the other. By mixing together, touching each other, holding each other, we enter the essence of being, of the perceptible. And so we reach the ineffable.
And I think of words from Emmanuel Lévinas: “The relationship with the Other is a relationship with a mystery… It is his exteriority, or rather his otherness, that constitutes the Other’s entire being.”


Des personnages miniatures modelés dans la glaise pour le film « L’Image manquante » du cinéaste cambodgien Rithy Panh (Prix de la section « Un Certain Regard » Cannes 2013 et est nommé dans la catégorie Meilleur Film Etranger aux Oscars). Ces figurines évoquent la tragédie du peuple cambodgien sous le régime des khmers rouges.
L’envie irrépressible de leur faire face, le désir de les photographier, et cette émotion lorsque je m’approche et que je découvre les yeux, les expressions invisibles à l’oeil nu. Leur visage est plus petit que l’ongle du pouce de ma main. Je vais les photographier jour après jour, il y en a une centaine et j’entends la voix de Rithy Pahn dire et redire : «  Un million de mort c’est une personne, plus une personne, plus une personne… »
Ces personnages sont immobiles figés et pourtant ils nous rappellent et nous appellent.

 

François Cheval
Au délabrement du monde, la photographie reconnaissante 2014 –
H2M – Espace d’art contemporain

Les années confuses au milieu desquelles nous errons embrouillent les catégories photographiques. Le public s’abreuve d’images d’actualité. Les raisons de cet engouement sont obscures et on comprend mal, dans son évidence illogique, l’univers qui associe un individu à la réalité par le truchement d’une image. Dans la modernité du stéréo- type et des nouvelles formes de représentation du monde, la culture de la marchandise s’impose contre l’œuvre.
L’illusion documentaire s’effondre et avec elle la perspective réformatrice. Elle cède la place à la pure subjectivité du preneur de vue qui gagne en importance dans ce domaine où on ne l’attendait pas : l’art. L’inédit avec cette génération de reporters déracinés ou d’artistes « témoins impliqués », c’est le détachement dont ils font preuve face à la réception des images. Ils savent que la photographie, la vraie, ne peut être que déception.
L’expérience du vécu, ou la confrontation directe avec l’événement n’a rien d’essentiel comparé aux vertus d’une guérilla incessante menée contre l’image marchande. Les nouveaux photographes voyagent, mais n’en ramènent aucun documentaire : en revanche leurs valises débordent de carnets de notes, de journaux intimes et d’histoire d’amour. Ils en font des récits d’hommes et de femmes, « singularités quelconques » qui résistent malgré tout. Refonder une mémoire collective, mieux même, recréer un intellectuel collectif. C’est ce qui est décisif en photographie.

L’exposition « Au délabrement du monde, la photographie reconnaissante » présente les œuvres de jeunes photographes soutenus par le musée Nicéphore Niépce de la Ville de Chalon-sur-Saône à partir d’une sélection réalisée par François Cheval, conservateur en chef des musées de la Ville de Chalon-sur-Saône :
Photographies de Claire Chevrier, Kathryn Cook, Alexis Cordesse, Morgane Denzler, Stan Guigui, Noël Jabbour, Laurence Leblanc et André Mérian.
Œuvres vidéos d’Ange Leccia et d’Antoine d’Agata.

 

François Cheval
Musée Nicéphore Niépce – Tous azimuts 2015 –

En période de guerre

« La photographie en période de guerre revêt de multiples aspects. Sa caractéristique principale depuis 1914 est avant tout d’être contrôlée pour être diffusée dans la presse à des fins de propagande. L’image est retouchée, les scènes sont reconstituées a posteriori . La photo devient une arme de persuasion pour rassurer la population (elle ne montre rien) et terroriser l’ennemi (elle le montre décimé). Les régimes totalitaires y ajoutent le culte du chef en inondant les territoires conquis de milliers de portraits solennels et intimidants. Restent les albums souvenirs de soldats, dont les prises de vue étaient toutefois elles-mêmes très encadrées.

La mission du photoreportage, à compter des années 1930, sera de montrer l’envers du décor, ce qui est caché, incarnant la conscience dénonciatrice, celle qui contribuera à changer les choses – en vain. La représentation de l’horreur n’a jamais empêché celle-ci d’exister. Cette horreur peut aussi n’être qu’évoquée à travers la métaphore, la transposition, comme le fait Laurence Leblanc en photographiant en gros plan les figurines de pâte à modeler d’un film de Rithy Panh sur le génocide khmer. Alexis Cordesse recueille lui les témoignages des anciens bourreaux du génocide rwandais qu’il accole à leurs portraits volontairement banalisé. L’image n’est plus une preuve immédiate mais un témoignage pour la mémoire. L’effet n’en est pas moins fort, voire sidérant. »

 

 

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Musée Niépce Production et acquisition 2014

Prix Virginia Sélection du jury de la première édition 2012

rendons le possible

 

« Il faudrait envisager le donner – et – recevoir comme un échange naturel quelque chose qui se produit tout simplement » Jean de La Bruyère

 

Espace Leica

Partenariat – Grand Palais 2013 –

 

 

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Fondation HSBC pour la Photographie Lauréat du prix 2003

Villa Médicis Hors-les-Murs Lauréat pour son projet au Cambodge

Rithy, Chéa Kim Sour et les autres

– Actes Sud Préface de Peter Gabriel – Texte de Rithy Pahn

 

Peter Gabriel

« I first saw some of Laurence’s images in 1993, when she was intersted in covering the « Secret World » tour around the world. There was a strong mood to her pictures, very different from any other photos at that time. I was very impressed by her work and although it is not something we normally do, we granted her request to photograph the Tour. The photos she took at that time were wonderful, and as a result we included some of them in the artwork for the Secret World Live record – they are some of my favorites in the photo archives.
Laurence has continued to explore new areas in her work, and I have watched her develop into an extraordinary artist. »

« J’ai découvert les images de Laurence pour la première fois en 1993, alors qu’elle souhaitait suivre la tournée « Secret World » à travers le monde. Ses photos avaient énormément de caractère et étaient très différentes de ce qui se faisait à l’époque. J’ai été très impressionné par son travail et, bien que ce ne soit pas dans nos habitudes, nous avons répondu favorablement à sa demande de photographier la tournée. Les photos prises étaient magnifiques et nous en avons utilisé pour l’album « Secret World Live ». Elles font parties de mes préférées dans mes archives personnelles.
Laurence a continué en explorant de nouveaux horizons dans son travail, et je l’ai vue devenir une artiste exceptionnelle. »

 

Rithy Panh – Film maker

What struck me about these photograhs when I saw them is the feeling that life is trying to burst out of the images, a return after an absence, as if life, interrupted just after Ein’s* photographs, was struggling to return to this world thirty years later. There is a message here that is all more powerful because it comes from children. Looking at these pictures Ihave the feeling of people who have drifted away gradually being brought back, little by little, step by step. Life is there, but it is not yet visible.
The reflections on memory in the exhibitions and work of Christian Boltanski bring us face to face with a proposition. We encounter something that can not be expressed, but that we genuinely experience.
These photographs have a similar effect. I believe that when we are in this zone beyond words, the work becomes extremely powerful yet at the same time delicate and fragile. In the no man’s land between life and death, between the visible and the invisible, that is where we ca,n find these images ; neither celebration nor mourning.
The blurred nature of the photographs does not attempt to conjure up phantoms. Rather it is perhaps what provides the link and the return to life. And despite everything, these children are there, full of energy.
I believe that there is a real connection between Laurence and Cambodia. When this takes place it is always remarkable, and the rare intimacy it brings is almost miraculous in the link it creates between the photographs and history. There is no trace of voyeurism or manipulation. Instead, we are moved by something profound, which comes from afar.
I admire these photographs because much of my work is guided by the same spirit . We do not do the same thing, but we draw on the same inspiration.
When Laurence takes her photographs she has a unique approach to the human body. The images are almost in motion, and yet they do not move. But they move in my mind ; they continue to resonate in my soul. For me bodies tell their own stories ; there are things that can not be said. In photograhy there is never the dialogue that one finds in film. In photography we are looking at a single moment, a fraction of a second, but also a moment that lasts. If we manage to enter into this moment, it is marvellous.
Laurence has a unique vision. It is not necessarily sad, but it is very intimate, and I am sure that many people experience these feelings when looking at her pictures. The 1m x 1m prints have a human scale which I find particularly moving. There is a subject, anda t certain moments, for me, there is dialogue, spirit returns to the subject. Blur is not blur, grain is not grain, life is not exactly life, it is not death, I adore this narrow place, I adore it when someone takes me there. This is truly a work of creation.
I believe that the work is very noble in that it creates dialogue. If one needs to overcome an obstacle, if one has been traumatised, if one is mournig, art in general can do many things. I am sure that laurence seeks to create a space for dialogue.
This is the artist’s view of the history of a country and of her own history. In art threre is resistance, something that is indestructible, ha twill always be reborn.
Photography is always solitary. This is why I am uncomfortable when there are too many images in a gallery. Two or three pictures, with enough space, enough distance and intimacy to allow me to sit down, perhaps smoke a cigarette, to look, to be alone in this dialogue. It is puzzling ; These children are not kids, not people who talk ; they are beings, they are life. They ask for nothing, only for the dialogue, they do not play on our better feelings.
So unfocus becomes modesty, the blur of distance, the blr of quotation marks, it is hard to find the exact words.
Does all this pain link up somehow ? Perhaps…Personally I believe to some extend that it does.
I can’t help thinking again of Ei and his portraits. His photograps were sharp, clean, cold. This was dictatorship, totalitarian ideology.
But does one need to be Cambodian, and have lived through the genocide, before one can talk of it ?
I don’t believe so, provided always that one does not attempt to speak for, or instead of, others.
Laurence’s photographs do not rob the children od speech. They do not confiscate the children’s words through some imposed gloom. Instead they let children, and childhood, express themselves.
Her images are full of poetry, her subjects full of smiles. For me Cambodia is a country peopled by wandering souls, and fpr me, these pictures resemble these souls, bringing to mind myths and legends of trees where the spirit dwell.

*Ein : Photographe du centre Khmers rouges du camp S21 (1975-1979)

Ce qui m’a frappé dans ces photos lorsque je les ai vues, c’est le sentiment que la vie essayait de sortir des images, un retour après une coupure, comme si la vie, interrompue juste après les photos prises par Ein*, tentait de revenir dans ce monde trente ans plus tard. Un message est là, d’autant plus présent qu’il est dit par des enfants. Dans ces images j’ai le sentiment que quelqu’un dérive, puis qu’on le ramène petit à petit, pas à pas. La vie est là mais n’est pas encore visible.
Quand on voit une exposition de Boltanski et, son travail de réflexion sur la mémoire, on est face à une proposition, face à quelque chose d’inexprimable, mais que l’on vit vraiment. C’est le même effet qui se produit davant ces photos. Je cois que quand on est dans cette zone, au-delà des mots, le travail devient extrêmement puissant et, dans le même temps, délicat fragile. Dans cet entre-deux, entre la vie et la mort, entre le visible et l’invisible, c’est peut-être là que se situent ces photos ni gaies ni deuil. Le flou n’est pas une évocation fantomatique, il est peut-être ce qui relie et ramène à la vie. Et ces gamins sont là, pleins de force malgré tout.
Je crois qu’il y a une vraie rencontre entre Laurence et le Cambodge. Lorsque cela arrive, c’est toujours la grâce, et cette intimité, rare est presque un miracle parce qu’alors la photo et l’histoire se lient. A l’abri de tout voyeurisme ou de toute manipulation, on est touché devant l’image par quelque chose de profond qui vient de loin.
D’ailleurs, j’aime ces photos parce que je travaille beaucoup dans cet esprit-là. On ne fait pas la même chose mais je relève d’une même essence.
Lorsqu’elle prend ces photos, Laurence a une manière particulière de saisir les corps, ces images sont presque en mouvement, pourtant elles ne bougent pas. Mais elles défilent dans ma tête, dans mon esprit et continuent à vibrer.
Pour moi, le corps garde des traces, il y a des choses qui ne se disent pas avec les mots. En photo, on ne dialogue jamais comme dans un film. En photo c’est un temps unique, suspendu à une fraction de seconde, je ne sais pas, mais c’est aussi un temps qui dure et, si l’on réussit à rentrer dedans, c’est merveilleux.
Laurence a une vision particulière ; ce n’est pas forcément triste, c’est très intime et je suis sûr que beaucoup de personnes éprouvent ce sentiment en regardant ces images. Lorsque je suis devant des formats de 1mx1m, c’est une dimension à taille humaine qui me touche particulièrement. Il y a une matière et, à certains moments, dans mon esprit, le dialogue, l’âme habitent la matière. Le flou n’est pas flou, le grain n’est pas grain, la vie n’est pas exactement la vie, ce n’est pas la mort, et moi j’adore cette petite bande de territoire et j’adore que l’on m’y emmène. C’est un vrai travail de création.
Je crois que son travail est très noble dans la mesure où il instaure le dialogue. Si on veut surmonter une épreuve, si on a un traumatisme, un deuil à faire, l’art en général peut faire beaucoup de choses. Je suis sûr que Laurence cherche à créer un espace où l’on dialogue.
Il s’agit de son regard d’artiste sur l’histoire d’un pays et sur sa propre histoire. Il y a dans l’art une résistance, que l’on ne peut détruire, qui renaîtra toujours.
La photographie est toujours solitaire, c’est pourquoi je suis gêné lorsqu’il y a trop d’images dans une galerie. Deux ou trois images avec suffisamment d’espace, de recul et d’intimité me permettent de m’asseoir, peut-être de fumer une cigarette, de regarder, et d’être seul à dialoguer.
C’est très curieux, ces enfants ne sont pas des gamins, ni des personnes qui parlent, ils sont des êtres, ils sont la vie. Ils ne demandent rien, ils veulent causer, c’est tout, ils ne jouent pas sur nos bons sentiments.
Alors le flou devient un flou pudique, un flou à juste distance, un flou comme entre guillemets, je ne trouve pas de mots.
Est-ce que toutes ces douleurs se retrouvent quelque part ? Peut-être … Moi je crois un peu à cela.
Je ne peux pas m’empêcher de penser à nouveau à Ein et à ses portraits. Ses photos étaient nettes, propres, c’était le froid, la dictature, l’idéologie totalitaire.
Mais est-ce qu’on a besoin d’être cambodgien et d’avoir vécu le génocide pour en parler ?
Je ne crois pas, à condition de ne pas parler à la place de l’autre. Les photos de Laurence ne prennent pas la parole aux enfants, elles ne la confisquent pas par un discours misérabiliste, elles laissent l’enfance s’exprimer. Ses images sot plaines de poésie et ses petits princes nous sourient.
A mes yeux, le Cambodge est un pays peuplé d’âmes errantes et, pour moi, ces images ressemblent à des âmes et me font penser à cette histoire populaire des arbres toujours habités par des génies.

*Ein : Photographe Khmer rouge du camp de détention S21 (1975-1979)

 

 

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Les nonnes
Exposition – 40 Rencontres internationales de la Photographie Arles 2009 –